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lundi 24 juin 2013

Les deux saisons du faubourg ♥

Auteur : Mylène Gilbert-Dumas
Éditions : VLB (2013)
Nombre de pages : 360

Résumé : Dans l'immeuble du faubourg Saint-Jean-Baptiste qu'habitent Adélaïde et sa fille, les semaines se succèdent, pareilles et sans histoire. Jusqu'au jour où, à court d'argent, Adélaïde doit se résoudre à louer une chambre dans son appartement. La petite annonce qu'elle publie dans le journal retient l'attention d'une seule personne : un petit homme mystérieux sur le compte duquel tous les locataires de l'immeuble semblent avoir un avis différent.
 
Dans cet univers tissé serré où les peurs des uns sont les rêves des autres, les choses commencent à changer au contact du nouveau pensionnaire. Et les cartes du tarot qu'on retourne au gré des inquiétudes redessinent peu à peu le destin de chacun.
 
Un roman de l'intimité, mais aussi un roman d'amour inattendu, porté par des personnages féminins entiers et si attachants qu'ils resteront longtemps près du cœur une fois les dernières pages tournées. 

Mon avis :

Je l’avais déjà constaté, Mylène Gilbert-Dumas est une magicienne des mots, elle tisse des histoires porteuses de beauté et de sens, avec des lieux et des personnages qui sont riches, vivants et intenses.

Les personnages font toute la force et la saveur de ce roman.  Il y a tout d'abord Adélaïde, à qui des malheurs sont arrivés par le passé et qui maintenant a peur de la vie, de l’amour et des hommes et qui laisse ses peurs mener sa vie.   Elle voit des signes de malheur partout qui viennent conforter son attitude confortable et sécuritaire.  Elle garde une distance entre elle et le monde pour se protéger.  Elle nous démontre que dans la vie, on ne peut pas être toujours fort, toujours des battants, parfois quand on a été blessé, on se replie sur soi, le temps de panser ses blessures.  Mais malgré ce qu'elle pense, elle est une bonne mère, une bonne fille et une bonne amie.  Et en dépit de ses peurs, elle trouvera le courage de claquer la porte d’un emploi détesté pour en commencer un autre plus créatif.  De plus, Adélaïde est une artiste et trouve un certain épanouissement dans les dessins qu'elle crée.

Il y a aussi sa fille Marjolaine, un brin effrontée, fantasque et si attachante.  Elle a encore l’innocence de l’enfance, mais en même temps, parce qu’elle écornifle tout le temps, elle en sait beaucoup plus qu’il n’en paraît.  Elle n’est donc pas aussi naïve qu’on pourrait le penser. Elle évolue dans un monde d’adultes et ce n’est pas nécessairement une mauvaise chose.  Je l’ai trouvée équilibrée.  Comme elle grandit dans un monde où l’ordinateur et les technologies ne sont pas omniprésentes, elle a de l’imagination et s’amuse d’un rien, comme de jouer au tic tac toe.

Et il y a Jacinthe, la mère d’Adélaïde, amoureuse de la vie et des hommes.  Jacinthe est une Sage, comme le dit Marjolaine.  Elle tire les cartes de tarot et en profite pour donner des conseils, comme si elle voyait vraiment l’avenir.  Elle est flamboyante et plus fonceuse que sa fille.  Elle prend la vie comme elle vient, contrairement à Adélaïde, qui plus inquiète, veut faire des plans, des prévisions, etc.  Jacinthe est habillée comme une gitane, avec foulard, bracelets, colliers et bagues.  

Ce trio féminin épatant et éminemment sympathique vit dans un immeuble du faubourg Saint-Jean-Baptiste, à Québec, qui est tout leur univers.  Avec leurs amis, elles se sont construite une famille et tout ce petit monde se réunit pour des repas et se soutient quand ça va mal.  Les gens ne sont pas égoïstes et se soucient les uns des autres.  C'est une des choses qui m'ont frappé dans ce roman.

Les deux saisons... nous présente un monde de femmes où les hommes n'ont pas le beau rôle.  Ils sont absents, comme les pères d'Adélaïde ou de Marjolaine ou faibles comme Gaston, le chum de Jacinthe.  Mais les choses vont changer quand Adélaïde va louer une chambre de son appartement à Sean, un Néo-Écossais qui ne parle même pas le français.   Adélaïde est d'abord très méfiante envers le jeune anglophone.  Elle est sûre que les hommes ne peuvent que la décevoir.  Mais Sean est un homme sensible et généreux.  Marjolaine l'a senti et elle sera la première à l'accueillir.  Adélaïde se laissera aussi apprivoiser.  Et comme l’hiver passe au printemps, la vie se mettra à bourgeonner lentement dans son cœur, y faisant entrer le bonheur.

On n’a pas toujours le goût de lire des choses rocambolesques ou pleines de suspense.  Les deux saisons du faubourg nous raconte donc une histoire simple et vraie, qui pourrait nous arriver, et je trouve que ça fait du bien, parce que l’on s’y retrouve et qu’on y puise du réconfort.  Lire ce roman, c’est comme entendre chanter une berceuse.  Quel bonheur !  C'est une lecture qui m'a fait énormément du bien.  Au-delà de la chaleur humaine qui s'en dégage, c'est la lente transformation d'Adélaïde qui m'a le plus touché.  D'oiseau blessé, elle acceptera de faire confiance à la vie et elle pourra prendre enfin son envol.  Les deux saisons... avec sa douceur et sa lenteur, nous réconcilie avec la vie.  

Et il y a aussi les descriptions de la ville de Québec, que j’aime beaucoup, avec ses vieux immeubles, ses rues tortueuses, ses hivers pleins de neige et de bourrasques et ses printemps pluvieux et venteux.  Et que dire des paysages du Cap Breton, dont l'auteure a parfaitement su rendre la beauté majestueuse et enivrante.  Ça nous donne envie de s'y rendre, toutes affaires cessantes!  Et la couverture du livre est tout aussi belle, toute douce avec ses couleurs passées et ses traits impressionnistes.

Vous l'aurez compris, Les deux saisons du faubourg m'ont totalement conquise et c'est un véritable coup de coeur!  Et pourtant, j'aurais une question à poser à Madame Gilbert-Dumas : pourquoi une telle fin?

La réponse de l'auteure : «Pourquoi cette fin? Pour mettre en valeur le relief de la vie.» (à voir dans les commentaires)

Venise en parle ici.


Citation : «Une partie d'elle est en deuil et cherche du réconfort dans ce qui est familier.  Relire un livre qu'on a aimé et qu'on connait bien est une façon de se rassurer.  On peut comparer notre vision du monde à celle de l'auteur.  Quand il crée, l'auteur est roi et maître ; il sait comment son monde fonctionne.  Adélaïde a toujours trouvé réconfortant de se mesurer à l'univers d'un auteur, à défaut de comprendre celui dans lequel elle vit.» (P. 213)

«Tous deux ont raison.  Elle ne vivait pas.  Pas vraiment, du moins.  Elle vivait par procuration, comme à travers un miroir.  Elle vivait la vie qu'elle voulait vivre, celle qu'elle voulait voir se réaliser, une vie où les blessures anciennes existaient encore parce qu'elle ne voulait pas les oublier.  Jusqu'à ce moment présent, le passé a toujours influencé le présent.  Et sa vision de l'avenir a toujours orienté le présent.  Mais vivait-elle vraiment pour autant?» (P.314)

                                         Phénomène météorologique     Idée no. 18 : la vue depuis un appartement, bureau, maison
Couverture et résumé : VLB

6 commentaires:

Geneviève a dit…

Ma collègue me l'a conseillé. C'est sa lecture du monde. Je ne sais pas si je le lirai mais je vois que toi aussi il t'a plu! :)

La doyenne a dit…

Pourquoi cette fin? Pour mettre en valeur le relief de la vie.

Venise a dit…

Merci de relier à mon billet, Opaline, c'est gentil. Pour moi, pour l'auteure, pour les lecteurs de l'auteure, et pour mes lecteurs !!!

J'ai aimé la fin. Je l'ai abordée comme l'auteure (facile à dire maintenant qu'elle l'a dit !).

Anonyme a dit…

Je ne connais pas du tout cette auteure, à découvrir donc :)

Topinambulle a dit…

Je te cite : Jacinthe est habillée comme une gitane, avec foulard, bracelets, colliers et bagues.

C'est le genre de personnage que j'aime. Merci pour la suggestion, Opaline :)

Denis a dit…

merci pour ce coup de cœur qui donne envie de lire ce livre
je me suis inscrit pour un mois de septembre "Québec", ce qui me permettra de lire des livres passionnants, je pense
VLB est un excellent éditeur à ce que je sais