Auteur : Isabelle Marsay
Éditions : Ginkgo (2012)
Nombre de pages : 222
Résumé : Novembre 1746. Une sage-femme dépose à l'hospice des
Enfants-Trouvés un nouveau-né âgé de deux jours. Il est le fils
d'un certain Jean-Jacques qui s'apprête à conquérir Paris.
L'abandon d'enfant est, à cette époque, une pratique
relativement courante et ledit Jean-Jacques abandonnera
successivement quatre autres nourrissons. Pourtant, son fils
aîné, Baptiste, restera sa mauvaise conscience. Au soir de sa
vie, il tentera en vain d'en retrouver la trace grâce à une carte à
jouer déposée dans ses langes…
En imaginant la vie du seul
enfant que Rousseau aurait pu retrouver, Isabelle Marsay
croise les destins du père et du fils, donnant à voir le quotidien
d'une époque paradoxale : siècle des Lumières, ultimes heures
de la féodalité, décor naturel d'une histoire presque
authentique : celle d'un homme qui abandonne ses enfants puis
écrit des traités d'éducation qui feront date jusqu'à nos jours.
Interrogeant la conscience et les contradictions de Rousseau,
dont la faute sera révélée au grand jour par Voltaire, Isabelle
Marsay nous offre un roman surprenant, avec des personnages
hauts en couleurs, de l'amour, de la haine, de la cupidité et de
la générosité, sous-tendu par cette question : comment le
pédagogue de L'Emile a-t-il pu abandonner cinq enfants ?
Faut-il condamner notre philosophe, le plaindre ou s'abstenir
de le juger?
Mon avis :
Tout d’abord, je voudrais vous demander de bien vouloir
me pardonner mon ignorance en ce qui concerne Jean-Jacques Rousseau. N’ayant jamais lu ou étudié à l’école ses œuvres, je ne possède pas la connaissance qui me permettrait de juger
de façon impartiale le personnage. Si mon avis choque qui
que ce soit, vous m’en voyez désolée…
Le fils de Jean-Jacques d’Isabelle Marsay nous propose d’imaginer
qu’elle aurait pu être la vie du fils aîné de Jean-Jacques Rousseau que
celui-ci a abandonné (ainsi que quatre autres enfants) à la naissance. Le roman se divise donc entre la relation de
cette vie imaginaire et des extraits de l’œuvre et de lettres écrits par
Rousseau dans lesquels il essaie de justifier ses actes.
J’ai beaucoup aimé la majorité du roman soit quand Isabelle
Marsay nous raconte la vie de Baptiste.
Elle nous donne beaucoup de détails historiques sur les conditions de
vie des paysans au XVIIIe siècle. Ceux-ci
devaient arracher leur subsistance à la terre et il suffisait de quelques
récoltes gâchées pour se voir condamner à la misère et même à la mort. Les choses ne semblent pas avoir changé pour eux entre le XIVe siècle anglais du roman Les âges sombres de K. Maitland et le XVIIIe siècle français d'Isabelle Marsay!
De même, j’ai découvert avec horreur l’existence
des enfants «trouvés» (ou plutôt abandonnés) et de quelle façon ils étaient
traités. Beaucoup décédaient. En postface, Isabelle Marsay nous explique : «[...] qu’au milieu du XVIIIe siècle, l’abandon d’enfants constitue une pratique
courante, voire banale, dans la capitale».
Plus loin, elle indique que «[...] 70% des nourrissons confiés à l’hospice
des Enfants-Trouvés mouraient avant d’atteindre un an». (P.220) Même si la vie y était précaire et que l’époque
tolérait cette pratique, je trouve révoltant que Rousseau se soit ainsi débarrassé de
ses cinq enfants et que plus tard, il se soit mêlé de donner des conseils sur l’éducation
des enfants! Cordonnier mal chaussé…
J’ai aussi aimé la description du métier de
médecin de Roland. Celui-ci est un très
beau personnage, avec sa tolérance et son humanisme devant la souffrance d’autrui. De même, j’ai beaucoup aimé Jeanne, la mère
adoptive de Baptiste, avec sa douceur ainsi que Baptiste lui-même, qui se
sacrifie pour sauver sa famille.
Isabelle Marsay possède une belle plume, elle s’exprime d’une
manière à la fois raffinée et accessible.
Ce raffinement me paraît respecter la façon dont les auteurs des
Lumières, dont Rousseau lui-même, écrivaient, en autant que je puisse en juger d’après les
extraits que l’auteure partage dans le livre.
En ce qui concerne ces passages, ne connaissant pas l’œuvre du
philosophe français, j’ai trouvé qu’ils constituaient une cassure dans la
fluidité de l’histoire, même s’ils pouvaient éclairer le récit. C'était comme se réveiller abruptement
alors que nous étions en train de faire un songe délicieux.
Malgré tout, je suis très heureuse d’avoir découvert une
nouvelle auteure talentueuse, d’avoir voyagé en France au XVIIIe siècle et d’avoir
appris à mieux connaître Jean-Jacques Rousseau, même si je lui reproche l'abandon de sa progéniture.
Autres temps, autres mœurs, dit-on… Finalement, j’aurais voulu que le livre
soit plus long. Mais ceci est une déformation
«professionnelle» de lectrice habituée aux lectures au long cours!
Merci aux éditions Ginkgo et au forum littéraire Partage
Lecture
pour ce beau partenariat!
Résumé et couverture : Decitre
2 commentaires:
Merci pour le conseil ! C'est sans doute une lecture que j'inscrirai au challenge 300 ans - Jean-Jacques Rousseau.
J'ai découvert ce livre grâce à ton billet et je te remercie du conseil : c'est un magnifique récit. A faire figurer pour moi aussi dans ton défi La plume au féminin.
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