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dimanche 22 juillet 2012

Le fils de Jean-Jacques ou La faute à Rousseau

Auteur : Isabelle Marsay
Éditions : Ginkgo (2012)
Nombre de pages : 222

Résumé : Novembre 1746. Une sage-femme dépose à l'hospice des Enfants-Trouvés un nouveau-né âgé de deux jours. Il est le fils d'un certain Jean-Jacques qui s'apprête à conquérir Paris. L'abandon d'enfant est, à cette époque, une pratique relativement courante et ledit Jean-Jacques abandonnera successivement quatre autres nourrissons. Pourtant, son fils aîné, Baptiste, restera sa mauvaise conscience.  Au soir de sa vie, il tentera en vain d'en retrouver la trace grâce à une carte à jouer déposée dans ses langes… 

En imaginant la vie du seul enfant que Rousseau aurait pu retrouver, Isabelle Marsay croise les destins du père et du fils, donnant à voir le quotidien d'une époque paradoxale : siècle des Lumières, ultimes heures de la féodalité, décor naturel d'une histoire presque authentique : celle d'un homme qui abandonne ses enfants puis écrit des traités d'éducation qui feront date jusqu'à nos jours.  

Interrogeant la conscience et les contradictions de Rousseau, dont la faute sera révélée au grand jour par Voltaire, Isabelle Marsay nous offre un roman surprenant, avec des personnages hauts en couleurs, de l'amour, de la haine, de la cupidité et de la générosité, sous-tendu par cette question : comment le pédagogue de L'Emile a-t-il pu abandonner cinq enfants ? Faut-il condamner notre philosophe, le plaindre ou s'abstenir de le juger?

Mon avis :

Tout d’abord, je voudrais vous demander de bien vouloir me pardonner mon ignorance en ce qui concerne Jean-Jacques Rousseau.  N’ayant jamais lu ou étudié à l’école ses œuvres, je ne possède pas la connaissance qui me permettrait de juger de façon impartiale le personnage.  Si mon avis choque qui que ce soit, vous m’en voyez désolée…

Le fils de Jean-Jacques d’Isabelle Marsay nous propose d’imaginer qu’elle aurait pu être la vie du fils aîné de Jean-Jacques Rousseau que celui-ci a abandonné (ainsi que quatre autres enfants) à la naissance.  Le roman se divise donc entre la relation de cette vie imaginaire et des extraits de l’œuvre et de lettres écrits par Rousseau dans lesquels il essaie de justifier ses actes.

J’ai beaucoup aimé la majorité du roman soit quand Isabelle Marsay nous raconte la vie de Baptiste.  Elle nous donne beaucoup de détails historiques sur les conditions de vie des paysans au XVIIIe siècle.  Ceux-ci devaient arracher leur subsistance à la terre et il suffisait de quelques récoltes gâchées pour se voir condamner à la misère et même à la mort.  Les choses ne semblent pas avoir changé pour eux entre le XIVe siècle anglais du roman Les âges sombres de K. Maitland et le XVIIIe siècle français d'Isabelle Marsay!

De même, j’ai découvert avec horreur l’existence des enfants «trouvés» (ou plutôt abandonnés) et de quelle façon ils étaient traités.  Beaucoup décédaient.  En postface, Isabelle Marsay nous explique : «[...] qu’au milieu du XVIIIe siècle, l’abandon d’enfants constitue une pratique courante, voire banale, dans la capitale».  Plus loin, elle indique que «[...] 70% des nourrissons confiés à l’hospice des Enfants-Trouvés mouraient avant d’atteindre un an». (P.220)  Même si la vie y était précaire et que l’époque tolérait cette pratique, je trouve révoltant que Rousseau se soit ainsi débarrassé de ses cinq enfants et que plus tard, il se soit mêlé de donner des conseils sur l’éducation des enfants!  Cordonnier mal chaussé…  

J’ai aussi aimé la description du métier de médecin de Roland.  Celui-ci est un très beau personnage, avec sa tolérance et son humanisme devant la souffrance d’autrui.  De même, j’ai beaucoup aimé Jeanne, la mère adoptive de Baptiste, avec sa douceur ainsi que Baptiste lui-même, qui se sacrifie pour sauver sa famille.

Isabelle Marsay possède une belle plume, elle s’exprime d’une manière à la fois raffinée et accessible.  Ce raffinement me paraît respecter la façon dont les auteurs des Lumières, dont Rousseau lui-même, écrivaient, en autant que je puisse en juger d’après les extraits que l’auteure partage dans le livre.  En ce qui concerne ces passages, ne connaissant pas l’œuvre du philosophe français, j’ai trouvé qu’ils constituaient une cassure dans la fluidité de l’histoire, même s’ils pouvaient éclairer le récit.  C'était comme se réveiller abruptement alors que nous étions en train de faire un songe délicieux.

Malgré tout, je suis très heureuse d’avoir découvert une nouvelle auteure talentueuse, d’avoir voyagé en France au XVIIIe siècle et d’avoir appris à mieux connaître Jean-Jacques Rousseau, même si je lui reproche l'abandon de sa progéniture.  Autres temps, autres mœurs, dit-on… Finalement, j’aurais voulu que le livre soit plus long.  Mais ceci est une déformation «professionnelle» de lectrice habituée aux lectures au long cours!

Merci aux éditions Ginkgo et au forum littéraire Partage Lecture 
pour ce beau partenariat!
 Résumé et couverture : Decitre

2 commentaires:

Itzamna a dit…

Merci pour le conseil ! C'est sans doute une lecture que j'inscrirai au challenge 300 ans - Jean-Jacques Rousseau.

Itzamna a dit…

J'ai découvert ce livre grâce à ton billet et je te remercie du conseil : c'est un magnifique récit. A faire figurer pour moi aussi dans ton défi La plume au féminin.